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 Le TRAIN ...

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GENEmb
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GENEmb


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MessageSujet: Le TRAIN ...   Le TRAIN ... Icon_minitime1Mar 8 Déc - 13:57

Le train

Elle l’attendait, ce train : Chaque jour, fidèle, mais angoissée, elle guettait le retour de celui qui était son mari, ce soldat parti à la guerre depuis 6 ans et qui avait été prisonnier. Elle guettait tous les trains qui arrivaient : ceux à banquettes de bois, confort du peuple, ou même wagon à bestiaux (car ils revenaient bien souvent dans ce même véhicule avec lequel ils étaient partis – juste un peu moins serrés, peut-être !)

Roule le train, roule le train de la vie …

Qui allait-elle retrouver ? … elle attendait …. Parfois, dans chaque main se serrait la main d’un enfant : sa fille de 9 ans et son fils de 7 ans … Eux se demandaient qui ils attendaient : ce « papa » fantôme dont ils embrassaient la photo chaque soir, et pour qui ils priaient avec leur mère ? Peur …. Peur de cet inconnu qui allait bousculer leurs vies !
Et voilà qu’un « beau » jour, un homme sale, hirsute, en uniforme tâché, descendit d’un wagon ouvert à banquettes de bois. Le train qui entrait en gare venait d’Allemagne et de tous côtés résonnaient des chants patriotiques et des drapeaux agités par des mains françaises ou américaines. Les hommes descendaient … doucement, … cherchant du regard un visage connu et aimé. Ils marchèrent l’un vers l’autre, hésitants … déroutés, ne sachant plus comment se comporter …

Roule le train, roule le train de la vie …

Le temps égalise les évènements, calme les peurs, invente l’avenir … même si son fils continuait à l’appeler « Monsieur Papa ! », il était à la maison et reprenait sa place … Du moins ; il essayait, car sa femme, elle aussi, avait dû se battre durement, pour élever les 2 enfants … Elle osait maintenant dire ce qu’elle pensait, voulait …. et ne voulait pas !

Roule le train, roule le train de la vie ...

Et le père disait : je voudrais un autre enfant que je verrais grandir… et la mère : non, j’en ai élevé 2, ça suffit ! … mais, en ces temps-là, les femmes, catholiques très croyantes, obéissant à leur curé, ne pouvaient pas dire non à leur mari pour « ces choses-là » …
et roule le train, roule le train de la vie ….
… vite, va vite chercher la sache femme, dit la mère – qui ramassait des haricots au jardin !  hé oui, un mardi de juin, c’est marché, alors, douleurs au pas …il faut assurer avancer, ne pas s’arrêter ...  et puis, à l’époque, on accouchait à la maison -

Roule le train, roule le train de la vie …

Une petite fille arriva, qui reçut le nom de Nevia, (nouvelle vie) un papa fou de joie et des « grands » un peu indifférents devant cette chose rouge, hurlante, dont il fallait s’occuper, promener, donner le biberon, changer … Bébé pleurait beaucoup la nuit, la mère en profita pour envoyer le père dormir, avec les grands,  dans les chambres du haut, glacées en hiver, étouffantes l’été …

Roule le train, roule le train de la vie …

Les années passèrent ….. avec ses douleurs, ses joies, ses non dits … Nevia vivait ce qu’elle croyait être du bonheur, dans une vieille ferme, entourée d’animaux, de son père, sa mère, sa grande sœur et son grand frère … ils n’étaient pas riches et il fallait aider : ramasser les légumes, écosser les petits pois, ramasser les œufs … bien d’autres petites tâches lui incombaient ! … mais, il y avait aussi les étés avec tous ses cousins, cousines, la liberté de la campagne, les immenses tablées familiales lors des fêtes, les parties de cache-cache à  12, 15, les énormes tartines du goûter débordantes de beurre et dégoulinantes de miel. Oui, elle était heureuse ! … Et les années passaient …Elle eut 6-7 ans ans. Elle ne le savait pas, mais là s’arrêtait pour elle le bonheur et l’enfance insouciante.

Roule le train, roule le train de la vie …

Un jour, semblable aux autres, son père entassa toutes leurs affaires sur un char attelé au cheval, la petite fille par dessus et après un court trajet, elle découvrit une grande maison froide, couleur rose délavée, un terrain en friches … « Elle est belle, ta nouvelle maison, non ? » « Oh, non papa !  où sont les animaux ? Le cheval, la chèvre, le cabri, les poules, le lapin ? -  non, je ne l’aime pas ! Je veux retourner chez nous ! « - Tais-toi donc, dit sa mère, enfin, on y est, chez nous !

Roule le train, roule le train de la vie …
Nevia pleura amèrement sa maison perdue, essaya d’y retourner, emmenant avec elle ses jouets … mais à la place de la ferme, il y avait un grand trou ! Prise d’une peur panique, elle courut vers « la nouvelle maison », oubliant Poupoum le baigneur, et toutes les babioles qui sont des trésors pour une enfant …. Papa ! Papa ! Ils ont cassé notre maison, hoquetat-elle !

Roule le train, roule le train de la vie …

Chérie, dit le papa, ce n’est plus notre maison et elle n ‘était pas à nous ! C’est ici, chez nous maintenant … vraiment chez nous ! …Oh  non, non pensait Nevia … Peur la nuit, Solitude : sa sœur avait réussi ses examens : elle était maîtresse d’école dans un petit village de montagne et avait un fiancé … Son frère avait plus de mal à l’école, et sortait beaucoup avec ses copains ! -sa mère ne le savait pas, mais elle, elle l’avait vu sortir en cachette ! L’été, il travaillait dans un magasin de fruits. Nevia, elle, enfermée dans sa chambre glacée (le chauffage était à refaire) lisait, jouait avec une petite voisine et s’ennuyait … Papa était malade et souvent à l’hôpital.

Roule le train, roule le train de la vie …
Vint un triste samedi d’hiver, alors qu’elle courait à l’hôpital et entrait toute joyeuse dans la chambre de son papa, une infirmière l’arrêta : Non ! Pas aujourd’hui ! Attends-moi là, j’appelle ton oncle ! Nevia ne comprenait pas : elle n’avait rien fait de mal ? Elle avait  15 ans et venait lire le journal à son père … Alors, quoi ??? … Son oncle arriva, lui dit : « viens, on doit vite aller chez toi, vite teléphoner à ta sœur et ton frère ! … Quoi ? Quoi ? Que se passe-t-il ? … « Ton papa est parti au ciel … »

Roule le train, roule le train de la vie …

Il fallut beaucoup de temps avant qu’elle comprenne que l’homme couché dans une caisse dans la chambre des parents, c’était son papa, à elle ! …. Il y eu une messe, le cimetière – où Nevia allait tous les ans avec son père le 1er novembre - … mais là, on était en février, il gelait, papa allait avoir froid … le curé dit des mots en latin et puis … et puis le bruit de la terre sur la caisse, pardon : on dit un cercueil … Où est papa ?

Roule le train, roule le train de la vie …

Sa mère était malade, Nevia l’ignora … elle s’en voulu beaucoup par la suite … Mais à 15-16 ans, on ne voit pas la souffrance des autres : seule compte la sienne ! … Elle s’enferma dans sa chambre, avec ses livres, sa musique, la petite voisine qui elle aussi grandissait  … Nevia  avait d’autres activités, d’autres rêves … et un seul ami en qui elle croyait, et qui seul savait la consoler … Nevia rêvait d’avenir et toujours, il était présent dans ses rêves ...Le temps s’égrainait et ainsi passaient les années …  Nevia était mal dans sa peau, mal dans sa vie, ne croyait plus en rien et rejetait l’école !

Roule le train, roule le train de la vie …

Solitude ...le temps passait lentement, si lentement … sa mère était très grosse, diabétique et ne pouvait plus se déplacer (après une opération du bassin, qui n’avait pas tenu à cause de son poids… - il faut dire qu’elle était gourmande et se faisait amener des douceurs par une voisine!) …  solitude : elles ne se parlaient pratiquement plus, elle faisait le travail, mais mangeait dans sa chambre !!! sa sœur et son frère étaient tous deux mariés, avaient des enfants et évitaient de venir à la maison car tout se terminait en cris et pleurs …

Roule le train, roule le train de la vie …

18 ans ! Personne pour lui dire simplement « bon anniversaire ! »  Un jour comme les autres … à cette époque la majorité était à 21 ans ! Elle avait rêvé de passer sa vie entourée d’enfants : maîtresse d’école, mais sa mère lui dit : non, on a besoin d’argent, tu dois entrer dans la vie active  au plus vite : tu ne fous rien à l’école, ni à la maison ??? (je faisais le ménage, les courses, les repas, et je devais m’occuper de la chaudière à charbon, histoire d’avoir au moins 15 degrés dansla maison – un vrai frigo, je travaillais toutes les vacances et elle empochait l’argent de mon travail) … Alors, attendre : tu dois participer à la vie de la maison ! … elle en étouffait de rage, de pleurs ...

Roule le train, roule le train de la vie …

Et c’est ainsi que Nevia fit 2 ans de comptabilité (c’était ça ou le secrétariat …. et elle s’en fichait : l’un ou l’autre ….) C’est là que Nevia eut un coup de chance inoui –  Nevia le compris plus tard : un petit miracle !  – Le docteur venait régulièrement à la maison … et …. il apporta gentiment la rubéole à Nevia! … Si, si, vrai ! Et pile pendant les épreuves du BEC comptable (qui correspondait à un bac comptable) … oui  coup de chance, car elle, elle savait qu’elle aurait échoué l’examen ...

Roule le train, roule le train de la vie ...

Elle fut très peu de chômage car son frère la fit entrer dans l’entreprise où il travaillait...18 ans … Sa mère réclamait toujours sa paye, ne lui laissant quasi rien … Et toujours cette pesante solitude, car si sa mère ne l’empêchait pas de sortir, elle n’osait pas, l’ayant trouvé par terre depuis 20 h un soir où elle était sortie et rentrée à 23 heures !  Alors, avec son seul ami, ils s’inventaient un monde à eux (lui aussi connaissait pas mal de galères) … Et Nevia  rêvait : elle les immaginait mariés, plein de marmots autour d’eux …

Roule le train, roule le train de la vie …

21 ans : Ah ! ce dernier jour de juin où sa mère tendit la main pour récupérer l’enveloppe de son salaire, Nevia le vécut comme une victoire ! … Non, maman, c’est fini ! Je suis majeure et J’ai ouvert un compte à la banque. Désormais, c’est moi qui gèrerais mon argent : je vis sous ton toit, dis-moi un prix pour ma pension, les repas, en tenant compte du boulot que je fais ! ...mais c’est tout ce que je te donnerais ...  Et merci pour tes non souhaits de bon Anniversaire ! … Au bureau, la fête a été belle : regarde : des fleurs, un livre ...

Roule le train, roule le train de la vie …

Peu à peu,  Nevia se rendait compte que sa mère souffrait, diminuait, elle ne bougeait plus guère de son lit – Il faut dire qu’elle avait du mal à en sortir et tombait parfois. Seuls les pompiers pouvaient la relever, à plusieurs… Plus rien ne l’interessait : elle lisait des romans policiers, des histoires d’amour … elle écrivait presque tous les jours à sa sœur. Elle ne dormait plus la nuit, et circulait dans la maison en poussant une table roulante … ( Nevia entendrait le bruit de cette table bien des années plus tard, dans ses rêves – cauchemars -) Ni son frère, ni sa sœur bougèrent le petit doigt pour l’aider. Là encore,  Nevia était seule avec son ami, près d’elle dès qu’il le pouvait : il dormait même à la maison !

Roule le train, roule le train de la vie …

Un jour d’hiver, sa mère se mit à tousser, moucher: gros rhume ou grippe, mais le docteur préféra la faire hospitaliser, pour qu’elle ne soit pas seule toute la journée… Se passa une semaine, sa mère appréciait que l’on s’occupe d’elle. Ce samedi de janvier, Nevia prit la direction de l’hôpital : sur les pentes la route glissait, et des flocons  voltigeaient, petits, piquants : « il neigeait de froid »disaient les vieux ... le lac fumait ! Elle monta au 3 ème. L’infirmière lui dit : votre mère va beaucoup mieux ! En effet, celle-ci l’accueillit avec le sourire, « bonjour, ma chérie ! » ??? … Et ce jour là, comme un cadeau, elles échangèrent, partagèrent, rirent et quand vint le moment de partir, Nevia le fit à regret,  sans comprendre pourquoi  ...

Roule le train, roule le train de la vie …

Le même soir, vers 21 heures, on sonna à la porte : son oncle, taxi, lui dit : je viens te chercher : prépare des vêtements pour ta mère … elle est partie sans souffrir, dans son sommeil ! Hein ? Quoi ? Mais ? Elle allait tellement mieux ?

Roule le train, roule le train de la vie …

Et quand Nevia vit sa mère, elle ne la reconnut pas : elle souriait, les traits de son visage étaient lisses et respiraient la paix… jamais elle ne l’avait vu si belle ! Elle n’eut qu’une pensée : que son frère et sa sœur la voit ainsi ! … Il gelait à pierre fendre quand ils la conduisirent au cimetière pour la coucher sur son mari : ensemble pour l’éternité ! Au bras de son seul ami, elle s’en retourna à « la maison » … Nevia ne le savait pas encore, mais ils n’uniraient jamais leurs vies : il aimait les hommes : souvent, il avait voulu lui dire, mais à l’époque …

Roule le train, roule le train de la vie …

Je pourrais continuer ce récit, mais Nevia avait changé de vie. Peut-être même de train.  Oui ! Elle avait 25 ans et la vie devant elle. Mais toute sa vie, elle entendrait la phrase que son frère lui avait dit à la sortie du cimetière : « Enfin, tu es libre ! » C’était vrai, oui, libre… et seule. Et elle leur en voulait de ne s’être pas soucier d’elle et leur mère toutes ces dernières années .

Roule le train, roule le train de la vie …

Sa vie fut, comme beaucoup, faite de joies et de peines. Elle connut des trains joyeux, des gares fleuries … et d’autres trains poussifs, et des gares tristes et sales … Ainsi va la vie … Mais en regardant en arrière, elle ne regrettait rien :  De fait, sa vie a été belle, Nevia vécut beaucoup d’expériences positives auprès d’enfants, des engagements, elle connut de « vraies » amitiés et même un bel Amour avec qui elle se maria . Tant de beaux souvenirs … Oui, la vie vaut la peine d’être vécue !

Roule le train, roule le train de la vie …

genem - 07/120/2020


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