Un Noël en Montagne ... souvenirs ...
Sieste : je m’éveillais, un silence ouatée, ponctué de cris d’enfants étouffés … j’ouvris les volets : le soleil faisait luire la neige fraîche de mille feux, un bonhomme de neige géant trônait devant l’escalier. ... Sans faire de bruit, je descendis les marches. De la cuisine montait de chaudes effluves de cannelle, viandes rôties ... mille parfums se mêlaient, et de temps à autre me parvenait l’odeur boisé du sapin coupé le matin. Assise sur la dernière marche, tous mes sens en alerte, je savourais le moment présent : j’étais bien, heureuse, en cette fin d’après midi du 24 décembre.
Le crépitement du bois m’attira vers le séjour : là, assis sur le tapis devant la cheminée, mon frère finissait d’emballer un cadeau qu’il cacha derrière lui. Ma belle sœur me tendit un verre de vin chaud. Leurs yeux brillaient… en sourdine, des chants de noël achevaient de rendre irréels ces moments : nous en avions tant rêvé de notre noël en montagne !
Le soir tombait. Les enfants entrèrent en coup de vent, amenant avec eux leurs joues rouges et luisantes et une vague de fraîcheur vivifiante. Vite changés, ils s’attablèrent pour boire un chocolat chaud, ils pépiaient, se disputaient les crêpes odorantes, même Lulu, d’ordinaire grognon au moment des repas avalaient de grosses bouchées ...
Huit coups sonnèrent à l’horloge : la messe était à 10 heures … on avait le temps, mais une demi-heure de marche nous attendait pour rejoindre le village, et un petit concert de chants de noël précédait la cérémonie … Mon frère dit aux enfants : « n’oubliez pas de mettre un soulier devant la cheminée, ainsi qu’un verre de lait et des biscuits pour le père Noël ! ». « bof, répondit Valentine, 6 ans, il ne connaît même pas notre adresse ! », mais elle fut la première à poser une de ses bottes, qu’elle avait nettoyée !
En route ! mon frère nous rejoindra … un truc de dernière minute !!! Le petit chemin descendait doucement, la neige voletait et crissait sous nos pas. Ma belle sœur, devant les enfants portait la lanterne, et moi, je fermais la marche : "hé ho, hé ho, on rentre du boulot... chantaient les enfants.... image de conte de fées ...
Le village ressemblait à une carte de nouvel an, les maisons serrées frileusement autour de l’église : grosses maisons trapues aux façades de bois, balcons illuminés, un mince filet de fumée sortant des cheminées. Devant l’église, sur la place, un énorme sapin trônait, aux lampes multicolores recouvertes d’une légère pellicule de neige... La féerie continuait ...
Les enfants étaient bouche bée et c’est dans un profond silence qu'ils pénétrèrent dans l’église. Des enfants de tous âges étaient debout au fond du chœur, et, alors que nous allions vers la crèche, une voix claire entonna « Douce nuit » repris par tous les enfants ...
Nos petits, devant l’ange qui remerciait de la tête, avaient les yeux brillants et le petit Lulu se serra contre sa mère ... Ils trouvèrent bien la messe un peu longue (surtout la leçon de Mr le curé), mais restèrent très sages, un peu intimidés.
Le retour se fit dans la bonne humeur. Mon frère, qui nous avait rejoint peu avant la messe prit le petit de 3 ans dans ses bras: il s’était endormi, un sourire aux lèvres. Les plus grands, bien éveillés et débordant de vie se roulèrent à qui mieux mieux dans la neige.
De loin, la lumière du séjour que mon frère avait pris soin de laisser allumée nous appelait, comme l’étoile du berger. Mon frère ouvrit la porte :
« Ohhhhhh », firent les enfants tous ensemble : le Père Noël était passé durant notre absence ! Ce fut alors un déballage joyeux, les papiers volaient, des cris de joie fusaient. Lulu, bien réveillé maintenant, ouvrait ses paquets assis sur un tracteur rouge ... Simon, lui, s’était assis au pied du sapin. Plongé dans une bande dessinée, il avait oublié le reste de ses cadeaux, et Valentine était en extase devant la petite bague trouvée dans un minuscule paquet :
« il y a un diamant ! regarde !!! » ... Nous aussi avions ouvert nos paquets …. Magie de noël : les livres reçus semblaient plus beaux, et les chocolats plus savoureux que d’ordinaire !!!
Les petits cédaient à la fatigue … Lulu s’était endormi sur son tracteur, une sucette dans la bouche ... Vite, au lit ! Le marchand de sable ne demanda pas d’histoire ….. le silence se fit soudain plus profond ... mais une douce musique envahit peu à peu le chalet.
Et c’est assis sur le tapis, devant le feu, que nous avons grignoté les toasts au foie gras, au saumon, la salade aux noix et la bûche de noël, à même les plats !!! mais, quel délice que ce repas là !!!
Nous étions heureux, en paix, conscients de la plénitude de ces instants magiques, que nous avons prolongé jusqu’à tard dans la nuit. Demain, une longue et belle journée nous attendait encore.
C’était il y a 30 ans, aujourd’hui, mon frère n’est plus là, les enfants sont devenus parents. Et chaque année, nous nous retrouvons en famille ... Mais à chaque noël, une odeur, un chant me replonge dans le rêve de ces journées vécues comme en un songe ...
genem - casimirette - déc 2003